Prison de Bang Kwang

Lu par Ludo

jeudi 14 mai, prison de Bang Kwang

Nicolas, je ne serai pas des vôtres, lors du prochain jeudi au théâtre. En effet, je suis en prison en Thaïlande.
Je ne suis pas content du tout, ça n’est pas ce qui était prévu.

Tout commence le lundi 11 mai, jour de la quille, si je puis dire.
Je m’apprête à sortir de chez moi comme tout le monde et là, plus de clef.
2 questions viennent alors à mon esprit : où sont-elles et comment j’ai fait mon compte pour me retrouver enfermé chez moi.
Ne parvenant à répondre à aucune des 2, je finis par me résigner à passer par la fenêtre.

J’habite au 4ème et des voisins me voyant s’écrient « le malheureux, le retour à la liberté aura été trop brutal pour lui ». J’ai beau essayer de leur faire entendre raison, ils ne croient pas en la mienne.
Ils appellent les flics et les pompiers, qui arrivent presque plus vite que la vitesse à laquelle je dégringole les 2 premiers étages, avant de me rattraper in extremis à une serpillière pendue à un balcon. Du moins, c’est ce que je croyais. Il s’agissait finalement d’une voisine… ou plutôt de sa tignasse. Ce sont alors des « au meurtre ! »que j’entends.

Je suis accueilli en bas avec toute l’hospitalité qui s’impose. Ce qui m’est imposé, c’est la camisole. Je suis emmené en fourgon. Sur le chemin, la chance est avec moi : nous nous

percutons avec un camion de sacs de farine. Y en avait pas 50, il a fallu que ça tombe sur nous. Je peux sortir, courir jusqu’au camion – au passage, ce n’est pas facile de courir en camisole, si si essaie tu verras – et sauter la tête la première dans un sac traînant sur la route, m’y enfoncer jusqu’à ce que les pieds ne dépassent plus de la farine. Ça n’est pas facile non plus de respirer dans la farine, essaie Nicolas j’te dis, tu verras.

Le chauffeur avec son collègue me remettent dans leur camion, tandis que les flics, que j’entends depuis mon sac, me cherche évidemment partout.

Nous redémarrons, puis nous arrivons à destination : un entrepôt. Ça décharge les sacs, moi avec du coup. Le problème, c’est que ça les ouvre aussi. Il faut trouver alors l’explication la plus rationnelle, le plus rapidement possible. « Mais qu’est ce que vous foutez-là ? Qui êtes-vous ?! » « Une question après l’autre, voulez-vous, tel que vous me voyez, je suis atteint de la dernière forme en date du covid-19. Je n’ai plus de bras et bientôt mes jambes disparaîtront, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de moi qu’un pois, mais surtout c’est extrêmement contagieux et si vous le souhaitez, je peux partager ». Je n’ai pas besoin de répondre à la seconde question. Mes vis-à-vis se carapatent plus vite qu’un cycliste du tour de France.

Mais à peine une dizaine de minutes plus tard, les sirènes retentissent. Ils avaient appelé les condés et il allait de nouveau me falloir trouver de massifs arguments.
Aux agents en bleu face à moi : « Bonjour messieurs, capitaine Trinquier des services spéciaux. Je suis en mission pour le gouvernement. Je reviens du Groenland. C’est là bas que se love une souche spéciale du covid-19, c’est bien sûr un complot. Vous allez m’aider ». « Ah non, là nous ça nous dépasse. On va appeler qui de droit ».
Moins de 20 minutes s’écoulent avant l’arrivée d’agents de la DGSE, les services secrets. On me demande mes papiers, je les avais sous ma camisole. Après qu’on m’ait soustrait à mon habit, je les tends et les prétends comme faux, comme couverture.
Je suis tellement convainquant dans mes explications, que l’on veut me renvoyer au Groenland pour poursuivre « ma mission ».

Après coup, je reste éberlué du merdier formidable dans lequel je me trouvais simplement pour avoir voulu sortir de chez moi. Le plus beau était pourtant à venir.

Je ne peux échapper à mon sort et on me parachute la nuit même au pays des eskimos. Pas les bâtons, les gens. Je n’avais jamais sauté de ma vie et mon manque de dextérité me conduisit sur un ours polaire, pas la peluche, le méchant. Ça n’est pas facile de faire du rodéo dans ces conditions, essaie Nicolas, tu verras. À dos d’ours, je me retrouve rapidement à cul d’ours. Bientôt, je lâche prise et dévale une pente jusqu’à un groupe de pingouins.

Je m’accroche à l’un d’eux dans l’espoir d’un décollage pour quitter cet enfer glacé. Eh ben tu m’crois si tu veux, ça vole pas. À quoi servent les 2 putains d’ailes fournies par dame nature sur le machin ? Par contre ça pince.

M’extirpant de cette hostilité, je trouve enfin un univers civilisé en la matérialisation d’un chalet. Je peux rapidement t’y écrire une carte postale. Pas le temps de s’attarder. L’espion amateur que je suis attire rapidement l’attention et de vrais agents thaïlandais écourtent ma carrière en m’arrêtant. Ils m’emmènent sur un bateau, direction le royaume de Siam.

Je te passe les détails, me voilà en prison. Comment dire, c’est comme un retour au point de départ et finalement, c’est pas si mal. Je suis soulagé. Je n’ai plus à m’occuper de rien, je suis en
congé. Même la soupe aux asticots n’est pas mauvaise. Par contre, aujourd’hui on nous sert du hachis aux cancrelats et ça j’aime pas ça. En plus, ce n’est pas ce qui était prévu, d’où mon mécontentement. J’irai quand même en dire un mot au directeur. Ça ne se fait pas de commettre une entorse au programme, sans prévenir les gens.

En revanche, ils servent une salade avec … je ne sais pas ce que c’est, des espèces de calmars à pattes, c’est excellent ! Si je choppe la recette et si je sors un jour, je te ferai essayer Nicolas, tu verras !

Ludovic

De William à Gilles

Lu par Thierry

Bonjour Gilles, je serai heureux d’avoir de tes nouvelles. Tu peux me rappeler quand tu veux ou me dire si il y a des jours ou des heures plus facile pour te joindre. Prudence, courage, patience. Bien cordialement. William

Le confinement

Lu par Thierry

De Ludo à Caro

Lu par Philippe

Désolé pour le temps mis à répondre, j’ai eu une panne d’internet pendant plusieurs jours.

Moi aussi, j’aime bien la pâte à tartiner (et même trop des fois) !

D’abord, je vais préciser que je ne suis pas un vrai sportif, dans le sens où, contrairement à des amis, je n’ai pas de manque si je ne vais pas courir, je ne suis pas intéressé particulièrement par faire des pompes ou des abdos, etc. Je les fais parce que ça m’est utile.
Ce que j’adore, c’est la bagarre.
C’est la raison pour laquelle je fais des arts martiaux et des sports de combats depuis que j’ai 10 ans.

Je suis passionné par ça comme un chercheur ; frapper le plus rapidement, le plus puissamment, le plus précisément possible ; éviter d’être touché, se rendre insaisissable, illisible dans ses mouvements, rechercher ce que Nietzsche appelle « le grand style », c’est à dire l’économie de mouvement, l’efficacité optimum de chaque geste, rien pour rien.
Mais ce qui me plaît le plus, c’est la confrontation de ma volonté contre celle d’un autre.
Ce que j’aime vraiment, c’est donc ce qui va être lié à la technique et à la boxe directement.

Ce que je ressens dans les exercices physiques, c’est l’envie d’arriver à la fin. Je peux éventuellement penser fort et même crier quelque choses comme « ça déchire sa mère! »

Je vais donc passer à ceux que j’aime bien :

La corde à sauter
L’un des rares exercices purement physiques que j’aime beaucoup. Plus je sais faire de choses différentes avec, plus je vais vite et plus c’est grisant.

L’exercice du medicine ball
Le medicine ball est, en gros, un ballon de basket alourdi. On peut faire notamment des abdos avec et plein d’autres choses.
Moi, je l’utilise pour augmenter ce qu’on appelle l’explosivité (pour aller vite, la vitesse et la puissance).
Je me mets en garde face à un mur, à 5 ou 6 mètres. J’ai le medicine ball dans une main et je le jette le plus fort et le plus rapidement possible comme si je frappais.
Plus le bruit claque et est fort, plus je suis content.
Là encore, il y a une exaltation, comme avec la corde.

Je ne peux évidemment plus faire ça en ce moment chez moi (je vais à la salle pour le faire), car je perdrais alors l’estime de mes voisins.

Le sac de frappe
L’un de mes moments préférés. Il y a plein de manières différentes de s’entraîner au sac, mais on va chercher à augmenter la puissance, la vitesse, la précision, à varier les niveaux, les techniques,
Ici, c’est le sentiment de toute puissance en frappant aussi fort qu’on veut qui me plaît.

Aujourd’hui j’ai mon chiffon pendu, en attendant de meilleurs jours.
Le shadow boxing

Cela consiste en un combat imaginaire, seul, souvent devant une glace. On voit alors ses défauts que l’on peut corriger.
On y travaille aussi des techniques spécifiques. Pour ma part, je vais écrire des enchaînements que je veux intégrer dans ce que j’appelle ma panoplie et je vais les répéter dans mon shadow pour les perfectionner. Je vais le faire en lien avec mon entrainement au sac. C’est enfin véritablement en combat, que je saurai si ça marche et ce qu’il faut changer.

Aujourd’hui, même si je n’ai plus de glace, les contraintes de mes meubles me poussent à esquiver et à me déplacer dans un espace réduit.

Le combat
L’aboutissement. Tout ça pour ça. C’est le sommet.
On y a peur, on y est excité, on y est concentré à l’extrême.
Pour moi, il y a peu de choses aussi jouissives dans la vie que ce moment.

C’est ce qui me manque le plus.

En résumé, je dirai que mes sentiments sont immatures, puérils. Les petits garçons veulent être les plus forts à la bagarre et chez moi, ça n’a pas évolué.

Ludovic

De Linda à Caro

Lu par Linda

Bonjour en premier, comment allez-vous. Moi ça va, tous ces jours enfermé je ne vois pas le temps passer, j’ai toujours à faire. Samedi j’ai voulu nettoyer le dessus de mon buffet chose qu’on ne fait pas tous les matins, je suis descendu chercher un escabeaudans ma cave et là j’ai trouvé mon jeu de dames fais tout en bois, mon premier jeu de société que j’avais acheté quand je me suis marié en 1983. nous n’avions pas de télé pas de l’électricité ni l’eau courante et bien sur le jeu de dames était le bienvenu pour passer les soirs grand hiver auprès d’une cheminée pour nous réchauffer, éclairé par une bougie une lampe à pétrole. On adorait les défis, nous pouvions tout simplement passer plusieurs heures dessus, des supers moments , rien qui nous détournait du jeu, cette complicité Seine simple mais très intense. je suis resté nostalgique quand je l’ai trouvé ,je lais tenue dans mes mains, j’ai fait un bon de joie tout ses souvenir du passé me sonts remonté a mon cerveaux je ne croyais pas le retrouver. C’est bizarre ça faisait plusieurs mois que je le cherchais, pour l’emmener en Bretagne et là je viens de le trouver je sais pas comment il cest trouvé en haut. je l’ai dépoussiérée ainsi que passer un vernis, je l’ai rangé dans une étagère avec tout mes jeux de société. Quand je pense qu’il est plus vieux que ma fille, elle à 36 ans. je suis arrivé en France en 1989 et mon jeux de damme été la seule objet que j’ai ramené du Portugal. Nous avons beaucoup joué avec des amis la famille etc , je voudrais qu’un jour tout revienne comme avant qu’on puisse avoir tous ses envies pour faire une bonne partie de dames de cartes de Monopoly. Que c’était bon tout sais rires qui venait du
fond du cœur,tout ses larmes de joie partagée en famille…. et un bonjour tout tes remplacer par des smartphones ,Internet ,la majorité des gens sonts enfermé dans une petite boîte une vraie sangsue d’âmes de nos jours.

J’ai toujours l’espoir qu’on pourrait ressortir de nos étagères c’est vieux jeu de société c’est pour ça que je les garde précieusement. Je vous souhaite bon courage pour les jours suivants.Portez-vous bien. À toute l’équipe Linda

De Linda à Nicolas

Lu par Linda

Cher Nicolas après avoir lu ton message, je n’ai pas eu l’aspiration de t’écrire, c’est vrai j’ai essayé de t’appeler pour que ça soit plus facile pour moi, je suis tombé sur ton répondeur. Tous ces jours enfermés, on sait plus quel jour on est je suis pas sorti depuis.

J’ai rassemblé tout ma nouriture dans de mes placards et je me suis rendu compte que j’avais suffisamment pour un bon mois s’en aller faire de course ma première pensée j’en ai eu presque honte de savoir que j’en avais autant. mon congélateur il est bon à se vider. j’ai fait mon ménage approfondi , pousser les meubles tous les électroménager, tout ça bien sûr à mon rythme à cause de mes problèmes de santé. Je suis resté bloquée des cervicales, après tous ces efforts .je me suis bien reposé ,le repos soulage. les jours commence à être long je m’occupe comme je peux, j’ai du tri à faire, 30 ans de souvenirs, tout sa va finir dans des carton .j’ai du mal à m’en séparée car j’ai des affaires de mes enfants, des peluches, des cahiers scolaires, des médailles gagné par mon fils, il jouet au foot et surtout c’est médaille de billard il a été jusqu’au championnat France il avait que 8 ans. Des Supers moments . J’adore cuisiner je suis toujours à la recherche de nouveau plaisir deg ustative. Mon palais et ma boussole c’est lui qui me guide dans mes choix ,il est très capricieux il se réveille le matin à chaque fois avec des envies. Sauf que je fais en fonction de ce que j’ai ça commence à me plaire, je ne jette rien, je fais en fonction des dates prioritaire tout en se faisant plaisir. j’ai décidé de ne pas aller faire des courses tant que je n’ai pas fini tout ce que j’ai chez moi avec un ami on s’est fait un pari pour savoir le temps qu’on va tenir. je crois que le confinement ça va nous apprendre à contrôler à être plus économe ça me fait du bien c’est une discipline que j’avais mis de côté portant j’ai vécu sa dans ma jeunesse. J’espère que tu vas bien et que tu t’occupes le mieux que tu peux.

Je crois pas que c’est lisible c’est trop grand je garderai le brouillon c’est vrai que j’ai abrégé sur ton message.

Ouverture de cette expérience nouvelle

Lu par Caro

Bonjour Linda
Bonjour Thierry
Bonjour Ludovic
Bonjour Caroline
Bonjour Nicolas
Bonjour Nadia (à qui j’écrirai un texto à l’issue de ce mail)

C’est donc à moi que revient l’ouverture de cette expérience nouvelle. Tout ce qui est inédit est à priori inquiétant. Ou intéressant et passionnant. Tout dépend de la manière dont on envisage les choses. Les questionnements. Ici ou là, sur les réseaux sociaux, dans la rue avant que le confinement ne soit effectif, à la radio, sur les chaînes de télévisions, on nous dit tout et son contraire.

Aussi bien sur la façon dont nous sommes censés aborder cette situation que sur les conséquences futures, les répercussions que cela aura sur la marche du Monde et sur celle de nos vies.
Mais au-delà de la nécessité de vivre ensemble qui est le propre de l’humain, il y a des individus. Avec des parcours, des expériences, des âges, des façons de vivre et de ressentir, des passions et des comportements, des cultures, des appétits et des appétences, complètement différents.

Bon, je ne vais pas me lancer dans une dissertation philosophique, je veux simplement poser les choses et vous dire que je ne crois pas en une seule et unique vérité.
Alors pour cette première étape de notre correspondance, je vais simplement vous dire comment je suis passé, depuis jeudi dernier, d’une vie à peu près normale, même si se profilaient déjà à l’horizon les nuages du COVID-19, à une vie de confinement.

Je vous parlerai également de mes lectures, qui par un curieux hasard, rejoignent nos préoccupations du moment.
Commençons par le commencement. Et pour vous rassurer – si toutefois vous étiez inquiets – sachez que je suis en bonne santé, ainsi que mon épouse, qui partage ce confinement avec moi. Il y a des personnes pour qui ce confinement sera beaucoup plus compliqué que pour moi, et ce pour les raisons suivantes :

1) Nous sommes dans un appartement de 3 pièces de 55 m2 pour 2 personnes.

2) Il est lumineux et comme par hasard, les bruits habituels et souvent gênants venant de la rue de Belleville se sont très fortement atténués.

3 ) L’immeuble dispose d’une petite cour dans laquelle j’ai décidé de m’accorder des séances de sport depuis hier.

4) Ma bibliothèque est non seulement bien fournie mais également remplie de tout un tas d’ouvrages que je n’ai pas encore lus.

5) Nous ne manquons ni de pâtes ni de papier toilette 😄
Je commence : La semaine dernière, après la première intervention d’Emmanuel Macron jeudi soir, j’ai vu s’annuler tous mes cours d’escrime (pour ceux qui ne le

sauraient pas, je suis comédien mais également Maître d’Armes et à ce titre je dispense 3 cours par semaine à la salle d’Armes d’Ivry-sur-Seine pour des comédiens, des danseurs, etc), plus un atelier le samedi après-midi et un stage que je devais animer les 28 et 29 mars. Seul restait en suspens un spectacle privé à Disneyland dimanche 15 mars au matin.

Mais bon il a finalement été annulé dans la journée de samedi.
Tout ceci s’est de plus en plus précisé au fur et à mesure que le temps passait, et sans être devin, je voyais venir le confinement. Notre président n’a pas osé prononcer le mot dans son discours de lundi soir. Il a en revanche abondamment parlé de guerre, ce qui est assez risible lorsque l’on voit les images des populations syriennes fuyant les bombes, ou que l’on a connu des gens, de la famille, fuyant Paris en 1940 sous le mitraillage des avions italiens.
Je me suis donc, après m’être interrogé, fait le compte des heures et des contrats perdus, retrouvé en confinement. Chez moi. Mes activités ne sont pas essentielles pour le Pays, mes compétences ne permettent pas de sauver des vies, et je ne suis pas commerçant ou quoi que ce soit d’autre dont les activités sont « essentielles à la vie de la Nation ».
Au tout début, à part lire, me nourrir, dormir, je n’ai rien fait. Sensation étrange. Finalement assez bien vécue. Je ne suis pas un hyper-actif, mais je gère une compagnie de théâtre, je donne des cours, j’ai un spectacle en cours d’écriture, je travaille avec d’autres compagnies comme le Huitième Jour, bref j’ai toujours le sentiment de manquer de temps et je sais que je suis assez fatigué. Dont acte. S’autoriser à ne rien faire.
Curieusement l’ennui ne vient pas.
Pas encore ? Pas sûr. Il y a presque 3 ans je suis resté six semaines dans le plâtre à la suite d’une rupture du tendon d’Achille. Je pense que c’était plus compliqué que ce que nous nous apprêtons à vivre. Pour ce qui me concerne en tout cas. Et je ne me souviens pas vraiment m’être ennuyé. Sans pour autant être dans la sur- activité intellectuelle.
Je crois que notre monde a perdu sa capacité à l’introspection, et surtout qu’il est considéré comme indécent de s’autoriser l’arrêt. La pause. Eloge de la paresse. De celle qui permet, à mon sens, de s’accorder de savoir qui l’on est, ou tout du moins de tenter de le découvrir.
Mes lectures ? La route, de Cormac Mac Carthy, un roman d’apocalypse adapté au cinéma assez récemment (mais je n’ai pas vu le film avec Viggo Mortensen). Une histoire de fin du monde. Un monde désert et presque inhabitable. L’histoire d’un père et son fils dans la survie absolue. Beau et âpre. Je l’ai fini ce matin. A fuir si vous êtes déprimé.
Aussi la correspondance, que je lis au coup par coup, entre Albert Camus et Maria Casares. Des lettres enflammées, un quotidien qui démarre durant la seconde guerre mondiale. La plume de Camus, celle, plus naïve et fraîche de la
toute jeune femme qu’est à ce moment-là Maria Casares. Une autre idée de ce que peut être une correspondance, qui relève de la nécessité pour deux êtres qui s’aiment mais que la vie sépare. L’insistance de Camus parfois, l’insouciance de Casares (enfin c’est ce que lui reproche Camus).

La question qui me vient est la suivante : Serions-nous capables, aujourd’hui, d’entretenir une correspondance suivie comme le faisaient ces deux personnes il y a 70 ans ? Certes, ce sont des intellectuels, Camus est un écrivain, mais nous savons qu’ils ne sont pas des cas isolés. Faudra-t-il la période inédite que nous commençons à vivre pour le savoir ? En vérifier l’expérience? La pérennité ? Leur correspondance commence en 1943 et se poursuivra durant des années, sauf naturellement lorsqu’ils passeront du temps ensemble. Au risque de la répétition, mais visiblement, du moins au stade où j’en suis, sans lassitude. Il est intéressant également de traverser cette période de l’histoire et du théâtre, qui à l’occasion s’entremêlent, par le petit bout de la lorgnette. D’entendre parler d’auteurs qui se font rares comme J.M Synge, alors même que pour ma part je joue (ou plutôt je devais jouer en avril à Marseille, événement fortement compromis) une pièce de cet auteur Irlandais contemporain de Tchékhov.

Voici par ailleurs le texto que j’adresse à Nadia :
Bonjour Nadia,
C’est Philippe, de la compagnie du Huitième Jour. Nous nous sommes rencontrés il y a 2 semaines au théâtre de Corbeil et avons passé la journée à lire des scènes et des correspondances. Regardé une scène écrite par Ludovic et jouée par Thierry et lui. L’après-midi initiation à l’escrime de spectacle. Tout cela n’est plus possible à cause du virus qui nous oblige à rester chez nous.
Comment vas-tu? J’espère que tu ne manques de rien. N’hésite pas à m’écrire ce que tu fais. Tu peux également appeler si tu veux.
Bonne journée
Philippe Penguy

Voilà pour aujourd’hui. J’aurais pu également vous raconter mes séances d’entrainement dans le détail, vous dire quels films j’ai regardé, mais je crois que je fonctionne encore un peu au ralenti. Ce sera probablement pour une prochaine fois.
En attendant, portez-vous tous bien et passez une bonne semaine. J’attends vos retours avec impatience.

Philippe

Fabrique / Téléfabrique / Confibrique / Fanumébrique…

Lu par Ludovic

Bonjour à toutes et à tous,

A partir de ce jeudi, nous allons poursuivre nos activités sur le projet Fabrique en mode confinement et télétravail.

Chaque jeudi, Caroline, Philippe ou moi allons vous écrire pour vous proposer une activité réalisable chez vous. Et nous vous demanderons de nous répondre dans les 6 jours suivants (c’est à dire jusqu’au mercredi suivant).

Les premières pistes évoquées sont :
– écrire un texte pour raconter comment nous vivons individuellement le confinement,
– écrire un texte pour parler d’un livre que nous sommes en train de lire (en rapport direct avec le sujet de la correspondance ou sur un autre sujet), ou un album de musique, un film…
– donner une recette de cuisine, décrire ce que vous voyez de vos fenêtres ou vos impressions les rares fois où vous sortez dehors…

Vous pourrez évidemment enrichir les sujets de travail au fur et à mesure, par exemple Linda m’a dit par téléphone qu’elle allait s’occuper de son jardin, elle pourrait nous envoyer chaque semaine une photo de son jardin avec les changements ou sans changement mais en nous montrant des détails ou des angles différents.

Evidemment, nous devons toutes et tous conserver les éléments que nous enverrons par mail car ils nous serviront quand nous pourrons nous revoir en chair et en os. Et chaque fois, tous les mails ou questions devront être envoyés simultanément à tout le monde. Bien entendu, si avez une question ou une proposition que vous souhaitez d’abord évoquer avec Caroline, Philippe ou moi vous pouvez nous contacter individuellement.

Chaque jeudi quand vous recevez le message qui lancera les propositions de la semaine, merci d’accuser réception le jour même. Nous serons ainsi certains que vous avez bien reçu le « nouveau message de début semaine », en attendant une réponse plus complète.

Nadia n’a ni ordinateur, ni connexion internet et sauf erreur de ma part, un simple téléphone mobile (et non un smartphone).
Et comme Linda, elle n’a pas encore vécu une journée d’écriture avec Caroline. Cela sera donc moins facile au début de se joindre à nous. Je suggère que chacun(e) s’efforce de lui envoyer un résumé de son mail par texto et/ou de lui passer bref coup de téléphone pour échanger avec elle (et peut-être rendre compte en quelques lignes par texto et mail aux autres de l’échange afin qu’il reste une trace de nos conversations avec Nadia).
Caroline (qui est en charge de vous proposer une activité d’écriture, du fait de sa qualité d’écrivaine) vous fera régulièrement des retours pour vous proposer d’enrichir et développer vos écrits.

Voici le point de départ que je vous propose et qui va vite s’enrichir des contributions de toutes et tous.

Un texte à écouter, le journal de confinement de Wajdi Mouawad (auteur et directeur de la colline)

Philippe sera le premier ce jeudi à vous proposer de vous lancer dans cette nouvelle aventure. Je vous remercie donc d’attendre son mail pour commencer à écrire, lire, photographier, dessiner, cuisiner, coudre… et nous le faire partager.

Bien à vous toutes et tous.
Prudence et courage… et je vous souhaite beaucoup de plaisir pour vivre ce projet que nous allons réinventer ensemble.